jeudi 8 avril 2010

Design rétro comme du fond de teint passé date...

J’ai remarqué récemment une résurgence du rétro dans le design, toutes époques confondues. L’influence Mad Men, le retour de la mode début XXe siècle, des influences très vintage... Très, très beau, tout ça. mais tout ça, c’est symptomatique de quelque chose, non? Comme si le monde s’en allait Sweet F**k All nulle part, et que le design, évidemment, doit suivre. Sauf que le design ne peut pas se permettre de réfléter ce SFA.

Qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là? En design graphique, on a grugé l’Helvetica jusqu’à la moelle, On a ramené le baroque romantique pour gagner du temps, Christian Audigier a repoussé les limites du mauvais goût, et maintenant, le prochain qui me fout des ?$$#*%@! de triangles de couleur au visage, je l’éviscère avec mes dents, pas de farces.

J’ai pu remarquer la même chose dans le design automobile. Dès qu’on a mis la New Beetle sur le marché, le reste de l’industrie a suivi : Ford a ramené le Thunderbird et sauvé la Mustang en lui redonnant ses lignes d’antan, au point où on disait à la blague, dans la presse spécialisée, qu’on devrait déplacer la photocopieuse du bureau du département de design. Encore ces temps-ci, quelles sont les plus belles voitures sur la route? La Mini Cooper, la Camaro ressuscitée (le monde de Boisbriand doivent chier des briques...), La Challenger, la Mustang. Toutes dans les lignes de leurs plus belles années à peu de choses près. Dans 40 ans, quelle va être la valeur d’une «voiture de collection» comme l’Elantra 2006? La Mazda6 de l’année? Une belle grosse Malibu 2008? Je me disais aussi...

Qu’est-ce qu’on fait, alors? Pas que cette vague de design n’est pas belle, au contraire. Cela dit, on sait maintenant quelle est la valeur qualitative du design des années 50 et 60 (même remis au goût du jour), on vient de se sortir d’une période de réimagination des années 80 (un gros merci à Omnikrom et Kanye West pour avoir ramené le fluo et les lunettes soleil en stores vénitiens!), il reste aux années 90 et 2000 à fermenter un peu avant qu’on connaisse leur valeur réelle (préparez-vous, un retour d’Ed Hardy vers 2029!). Mais je cherche encore l’influence des 60 dans le design des 80 et, mis à part les cheveux longs et les chemises à carreaux, ce qu’il y avait des horribles années 70 dans le grunge d’il y a 20 ans.

Signe des temps, sûrement. Nous sommes surstimulés, surinformés, et hautement cyniques envers notre époque. Les boomers qui traînent en haut de la pyramide pendant que les X macèrent dans leur jus à chiâler, juste en dessous? Le mépris du peuple pour les Autorités, sentiment qui semble réciproque? Le manque de valeurs rassembleuses? On ne s’étendra pas là-dessus, c’est plus ou moins ma tasse de thé. Mais le design en général s’en ressent. Dommage...


Extrait du magazine Uppercase. J’aime beaucoup, mais tout le design fait assez rétro. Un truc de notre temps qui aurait pu l’être aussi il y a 50 ans. Notre époque sera-t-elle empruntée aux autres?


Poisson d’avril du site Brand New, basé sur un projet réalisé à temps perdu par un designer talentueux. J’avoue que je suis loin d’être fan de la signature actuelle de Dunkin, mise à jour de la même façon que toutes les franchises commerciales au tournant du millénaire. Celle-là me fait penser un peu à A&W, qui joue la carte d’époque et qui réussit à créer une marque dans laquelle on se sent à l’aise, presque réconforté...

J’adore le design, les couleurs, ce que cet emballage dégage. Mais ça me fait tellement penser aux affiches touristiques du Canadien Pacifique, dans les années 30... (source)

Le hipster qui veut être de son temps porte des souliers dont le design date de 1917 (des Chuck Taylor), un fédora ou un melon, une écharpe qui rappelle vaguement les poètes Romantiques. Par-dessus son t-shirt des Ramones ou de Guns N' Roses, une veste ajustée qui faisait partie du bon vieux complet trois-pièces. Il bouffe des macarons (parce qu’un autre monument de la gastronomie antique, les cupcakes qui datent du début XIXe, sont déjà out, la tendance ayant franchi les ponts vers le 450). La barbe intégrale et fournie effectue un retour spectaculaire, et ça ne sera pas long que la bonne vieille cire à moustache effectue un retour. Les plus hipsters des hipsters de Brooklyn poussent la carte au max en revenant au style des années 1900. Comme dans 1900 à 1910.

Bien beau, tout ça. Bien exécuté et mis au goût du jour. Mais il y a un second degré dans tout ça. Personne dans ces temps-là ne disait «tiens, je vais styliser tout ça années 20, ça va être swell!» Ils étaient dans l’air de leur temps, et ils ont laissé un impact durable. Dans 40 ans, va-t-on vraiment vouloir préserver un «deuxième passé?», quand les musées et les livres d’histoire du design sont remplis d’œuvres originales du temps? À quand un deuxième art déco? La période «Art Nouveau Redux?»


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