jeudi 27 mai 2010

Le design, la critique et les médias sociaux

Il faudra faire attention à l’avenir, nous graphistes de tout acabit. Il arrive quelquefois qu’une agence se plante. C’est normal. Elle ne pourra juste pas s’autodécerner un prix Grafika l’année suivante.

(je reviendrai peut-être sur le sujet une journée où je me suis levé du mauvais pied, mais le fait que les dix mêmes agences gagnent les mêmes prix années après années, alors que les grosses légumes de ces dix mêmes agences sont sur le jury, je trouve ça ordinaire. Une clique n’est jamais le fun tant que tu n’es pas dedans...)

Cela dit, avant, ça restait dans la famille. On revenait discrètement à l’ancienne marque, ou on remettait l’ouvrage sur le métier, on s’essuyait, et on recommençait. Mais ça restait entre nous autres. Maintenant, grâce au web 2.0et la démocratisation absolue de l’opinion, les masses elles-mêmes ont droit de vie ou de mort sur le branding qu’elles suivront.



Début 2009, PepsiCo reçoit une flambée de protestations sur le nouveau look des jus Tropicana. Loin d’être une majorité des consommateurs, mais des admirateurs fidèles. Certains arguments se tenaient (le retrait du symbole de l’orange avec une paille, représentant la fraîcheur, ou le look trop simpliste rappelant des marques à bon marché), d’autres étaient plus simples disons (laid, stupide, etc...). (Plus de détails ici et ici)


Aujourd’hui, j’ai vu passer un tweet. Un truc tout bête et simple, sur la nouvelle identité d’Astral média. Puis un retweet ou deux comme quoi ce n’est pas le logo du siècle. Je retweete, puis je passe à autre chose.

Ce soir, je tombe là-dessus. Je réalise tout d’un coup la porté de la chose : On ne peut plus faire ce qu’on veut en termes de branding. Pas qu’on pouvait avant, mais...

Je vois déjà la défense des «mauvais graphistes» : quand on pond un truc pour un client, on traite souvent avec un comité composé de plusieurs membres. Si on parle de quelque chose de gros, forcément le bonhomme va ramener les maquettes à la maison pour y réfléchir et montrer le tout à sa femme qui se veut décoratrice d’intérieur ou sa fille de huit ans, qui n’aime pas la couleur du logo. Et vlan, une fillette vient de démolir votre argumentaire de trois pages sur l’utilisation du vert... Et ils sont sept sur le comité, avec femmes, enfants et chien.

Bon, je déconne un peu. C’est le lot des graphistes depuis que le graphisme existe. Seulement, ici, c’est le consommateur lui-même qui a maintenant droit de parole sur le branding des marques qu’il consomme. Que le Comité ait accepté la soumission directement, ou qu’il ait voulu montrer qui payait pour le travail, c’est l’agence qui encaissera le coup.

Cela dit, on voit que le client, s’il n’est pas nécessairement plus éduqué sur le design, sait ce qu’il veut. Que souvent, la métaphysique derrière l’image de marque tombe totalement à plat quand les créateurs d’image partent sur leur trip en négligeant le récepteur de la dite image. Aujourd’hui, on doit constamment se demander ce que le client cherche dans une marque (mais ça peut tout aussi bien être une grille de magazine, un design de site web, une affiche...). Surtout si la dite marque est bien établie et qu’on donne le mandat à quelqu’un le mandat de la refaire. Vous attaqueriez-vous au logo de Mc Do? Tous les autres se sont remis au goût du jour en-ajoutant-des-swooshes-en-rond-autour, à mon grand désarroi. Avez-vous remarqué la très subtile mise à jour du logo de Wikipédia? Qui oserait refaire le logo de la bière Bass, dont le triangle rouge a été la première marque de commerce enregistrée au Royaume-Uni (ou même dans le monde?), en 1875?

On jase, là...

(Pour ma part, je trouve le logo intéressant, mais pas nécessairement approprié à ce type d’entreprise. Ludique, oui, qui va avec le côté divertissement de la boîte. Mais j’aurais peut-être fouillé un peu. Est-ce que c’est moi qui est snob de penser que les symboles composés d’une lettre manque de recherche? Et puis, qu’est-ce que ça aurait été de rajouter cinq lettres de plus? Pour quelqu’un qui arrive ici et qui voit ce logo, à quoi pense-t-il, parc d’attractions, jeux gonflables pour enfants? Finalement, est-ce que ça aurait été la lune de donner le mandat de refaire l’image d’une entreprise de Montréal par une autre entreprise de Montréal? Regardez les prix Grafika, il y a au moins 10 agences qui crient haut et fort qu’ils sont capables de le faire. Imaginez les autres...)

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