lundi 15 juin 2009

Mets ta langue dans ma bouche!

Image Hosted by ImageShack.us


Petite entrée souverainisse ici, en réaction à cette scabreuse histoire.

Il y a une dizaine d'années, pour un cours d'histoire du Québec au cégep, j'avais pondu un essai sur la langue, mon joual de bataille. J'y avais disséqué trois publications de deux époques différentes : Les insolences du frère Untel de Jean-Paul Desbiens, Anna Braillé ène shot (elle a beaucoup pleuré) de Georges Dor et États d'âme, états de langue par un collectif de linguistes dirigé par Marty Laforest (ouvrage qui, soit dit en passant, réfute argument par argument l'essai de Dor). Le sujet, vous l'aurez deviné, l'état du français au Québec.

Une des remarques de mon prof à l'époque était que notre peuple devait se définir en grande partie par notre langue. Pourquoi? Parce que c'est maintenant un des seuls éléments communs que nous avons encore. Depuis quelques décennies, le peuple québécois ne peut plus se définir seulement par son ascendance. Même, la moindre référence à notre pur-lainage suscite de la part de nos voisins outre-Ontario des réactions à peine plus douces que si nous étions des néonazis cannibales pédérastes conduisant des Pontiac Aztek (un point Goodwin pour Patch, mais c'est Jan Wong qui a commencé!). Maintenant que nous partageons notre québécitude avec Fatima, Nguyen et Amadou, que restait-il pour nous affirmer collectivement? Outre de très beaux échanges culturels, nous pouvions nous rallier derrière ce français que nous avons tarabiscoté à notre façon (avec maints emprunts à la langue de Shakespeare de nos voisins, soulignons-le!).

Puis la nouvelle est tombée. Je ne savais pas trop où me mettre : je suis particulièrement ouvert à la culture des autres (oui, j'ai des préjugés, mais j'ai le mérite de les travailler!), mais je m'accrochais aussi à mon dogme linguistique, le peu de stabilité identitaire qu'il me reste. Ceci dit, un argument est sorti dans les médias que je m'étais déjà approprié. On viendra nous chanter Gens du Pays en cantonnais, en yiddish ou en wolof qu'on trouvera ça mignon, attachant et touchant, mais Country People? No Thank you. Pis Speak white, tabarnac.

On n'a pas à aller chercher très loin pour la raison : les anglos ont bouffé du Canadien pendant des siècles, de la Conquête à la Révolution tranquille en passant par l'insurrection patriote. Wolfe, Gosford et Durham ne sont probablement pas les bienvenus à la même table de poker que De Lorimier, Papineau et Lévesque, en haut. À l'époque, cependant, c'est vrai que nous étions sous-représentés sur certains plans, nommément ceux de la politique et de la richesse. Regardons-nous maintenant : L'oppression anglaise est à peu près aussi présente qu'un épisode original de Symphorien ou qu'une Dow bien fraîche. Nous ne sommes pas encore totalement «maîtres chez nous», mais on se fait pas mal moins «mettre chez nous» qu'à une certaine époque. Le peuple québécois se gouverne lui-même (dans les grandes lignes) et est capable d'amasser sa propre richesse (les trois ou quatre mêmes têtes, peut-être, mais ils sont des nôtres!). Disons que j'ai vu des peuples faire un peu plus pitié que nous (allez faire un tour au Chiapas, vous m'en donnerez des nouvelles...)

Rappelons aussi ici qu'on ne parle pas d'artistes venant faire la promotion des belles valeurs impérialistes du Plusse beau pays du monde, mais d'anglophones de souche venant chanter dans leur langue maternelle. La langue de Leonard Cohen, Rufus Wainwright, Arcade Fire. Comme on laisse Marco Calliari chanter Félix et Fiori en italien. Comme Dédé chantait en wolof. Pas parce qu'ils wanted to pogne, parce que c'est leur langue, une partie de leur culture. Parce que je bouffe du sushi, des mangues, du spagatte. Parce que j'ai probablement plus a apprendre, en connaissances et en sagesse, d'un Mohammed, d'une Soledad ou d'un Balazs que de Roger Chose qui n'a jamais même quitté l'île de Mourial.

Il va falloir que je me trouve un nouveau dogme identitaire, mais je crois que je n'aurais pas à chercher trop loin. Celui qui considère ce territoire comme sien, qu'il y réside ou non, qu'il y soit né ou non. Celui qui a la fleur de lys tatouée sur le cœur, qui qu'il soit. Celui qui, par vocation profonde, se considère de la Nation québécoise, sans discrimination. C'est certain que la langue doit aider un peu (je ne suis pas polyglotte, et je ne parle même pas de tous les colons qui «veulent arien savoir des races pis des importés»), mais j'imagine qu'on finira bien par s'arranger pour se comprendre.

Je considère toujours que le français québécois est dans une situation précaire. Que 7 millions contre 350 pour défendre une langue et une culture, ça joue dans la balance. Mais si on ouvre les bras aux autres cultures, il y a moyen de moyenner. Un peu de ta bouffe contre un peu de ma langue, c'est peut-être un incitatif intéressant; certainement plus que Pal don' françâh, crisse de voleu' de jobs! Et puis, en terme de culture originale, on repassera : notre cuisine vient de France, d'Italie, d'Angleterre; notre musique, d'Irlande; une partie de notre architecture et de notre urbanisme, de chez les Anglais (encore!), alors un falafel et un tajine (avec un thé à la menthe, s'il vous plaît) contre un disque de Richard Desjardins, ça me semble un marché convenable, non?

Et puis, Blodshot Bill, c'est vraiment bon...


— Patrick Charpentier, citoyen et membre de la Nation québécoise

P.S. J'oubliais, le guitariste de Loco Locass est un anglophone fédéraliste. Mettez ça dans vot' pipe!


1 commentaire:

Boum a dit…

Amen, rien à redire. Ça fait du bien de pas se faire blaster d'être anti-anglos des fois. J'aime mon français, mais j'aime pas faire semblant qu'on est seuls au monde.